Il : Poséidon…
Aussitôt il enferme l’aquilon dans les grottes d’Eole
Et tous les souffles qui font fuir les nuages.
Il envoie le Notus. Le Notus s’envole, les ailes mouillées,
Couvert au visage d’une ténèbre de poix.
Sa barbe est lourde de pluies, de ses cheveux blancs l’eau coule,
Sur son front siègent les brouillards, ses plumes et son sein ruissellent.
De sa large main il presse les nuées suspendues
Et le fracas se fait ; des averses serrées tombent de l’éther.
La messagère de Junon, de toutes les couleurs,
Iris, absorbe les eaux et les offre aux nuages, en pâture.
Les moissons sont terrassées et pleurées des paysans
Gisent les offrandes ; le travail d’une longue année est perdu.
La colère de Zeus n’est pas contente du ciel ;
Son frère bleu azur l’aide de ses eaux alliées.
Il convoque les fleuves ; ils entrent au toit de leur maître,
« Pas besoin de long discours,
Leur dit-il. Versez vos forces,
Voici le travail. Ouvrez vos maisons, allégez-vous,
Lâchez les rênes à vos flots ».
Il ordonne ; eux se retirent et ouvrent les bouches des fontaines,
D’une course sans frein elles roulent jusqu’aux plaines des mers.
Il frappe la terre de son trident. Qui,
Sous le mouvement, tremble et ouvre le chemin des eaux.
Vagabonds les fleuves se ruent à travers champs
Et prennent tout, arbres, troupeaux, hommes,
Toits, autels et objets sacrés.
Si une maison a tenu bon, a su résister,
Debout, à un si grand mal, l’eau en couvre
Le sommet ; prisonnières ses tours s’enfoncent dans l’abîme.
Entre la mer et la terre, il n’y avait plus de limite
Tout était océan, l’océan était sans rivage.
L’un s’installe sur la colline, l’autre, sur le bec d’une barque,
Agite les rames là où hier il labourait.
L’un sur ses moissons et sa maison engloutie
Navigue ; l’autre pêche un poisson au sommet d’un ormeau.
On jette l’ancre, avec un peu de chance, dans une prairie verte,
Les coques courbes frottent les vignes englouties
Et là où les chèvres graciles ont jadis brouté l’herbe,
Des veaux de mer sans forme posent leur corps.
Sous l’eau les Néréides admirent bois, villes et maisons.
Les dauphins vivent dans les forêts et se cognent
Aux chênes, ils en agitent les plus hautes branches.
Nage le loup au milieu des brebis, l’onde porte les lions fauves,
Porte l’onde les tigres et ni au sanglier ses forces de foudre
Ne servent, ni au cerf ses jambes rapides.
Depuis longtemps, l’oiseau errant cherche une terre où se poser,
Sur la mer il laisse tomber ses ailes lasses.
L’immense liberté de l’océan a couvert les collines
Et de nouveaux flots frappent les pointes des montagnes.