HB l'ogre au-dessous de 0

HB a presque 23 ans quand il connaît un accès fou de passion. Impossible alors de lire, même l’Avare. Impossible d’éprouver de la joie, même en présence de M(élanie), tout est éteint si ce n’est cette furieuse passion montée (qui est une passion d’ambition). HB est capable alors de toutes les infamies, il peut le crime, j’aurais eu plaisir à battre M.

2 jours plus tard un dégoût morne s’abat sur lui. (Dégoût, aussi, quand une fois qu’une idée a filé on cherche à y revenir, la répéter pour la saisir). Le cerveau est paralysé, le sommeil empêché, dégoût de parler et d’écouter. Dégoût de la lenteur de M qui après qu’elle a fait attendre ses propos 2 minutes ne dit rien de frappant. (Cette tristesse est à moi, elle est moi-même mais M, en face, la double, la grimace).

A la fin du mois de janvier 2006, le temps est magnifique et : commencement d’énergie, aucun mot n’est trop fort, ardent, profond, comique. Force, volonté impétuosité, colère, pensée.

Est-ce le café, se demande HB ?

HB n’aime pas Voltaire. A 23 ans, au mois de mars, il cherche à comprendre la pensée de Mme de Staël : qu’est-ce que le bonheur ? Eh bien le bonheur pour Mme de Staël c’est l’espoir sans la crainte, l’activité sans l’inquiétude, c’est l’abri des grandes peines, c’est l’amour sans l’inconstance. C’est en quelque sorte le café sans la caféine et ça n’a rien à voir avec la joie : la joie, c’est avec l’exténuation. La joie commet des crimes, arrache des têtes, chute nette et brusque, se précipite. Le bonheur de Mme de Staël c’est déjà celui de ces sociétés riches qui viennent, c’est l’élan sans l’assaut, c’est la guerre sans la guerre (Colin Powell) et c’est le sexe sans le sexe. Avec HB, on va tout au contraire du bonheur : le sexe avec le sexe, aussi impossible (inconnaissable) que pour Del Dongo et Clélia – dans le noir, le fameux amour. C’est la guerre avec la guerre éprouvée – et impossible à voir, sur aucun champ de bataille, chose introuvable (voilée de fumée). Des jambes tombent, rompues, des corps sont déjetés et des nuages de fumée camouflent le tout (HB même à la chasse quand il tire sur un renard ne voit pas un renard). La souffrance que c’est, le désir de dire quand même, d’aller quand même, la jouissance que c’est, d’espérer. Chez HB, il n’y a pas de bonheur mais ces moments d’assauts violents, de profond comique et des exploits. L’évasion de Fabrice, l’ennui mortel et l’ambition à crimes de Julien.

On se dit : qu’elle va, la joie, jusqu’à se frotter à l’impuissance, comme dirait HB, de sentir. Qu’elle va avec une autre question (cependant que l’hiver avance, des taches font fluctuer la lumière et J’aime Je n’aime pas), qu’elle va (cette joie de sursauts et de balancements) avec un questionnement, qu’à 50 ans comme à 23 ans on pose, de la même façon : quel est mon caractère ? Page 30 édition folio (1973) de la Vie d’Henry Brulard : ai-je eu le caractère gai ? En opera d’inchiostro, en œuvre de lettres, on ne va jamais aussi loin que quand on ne sait pas où on va. Brulard, 7 lettres, un cœur d’homme.