Le moins que l’on peut dire, c’est que le parti socialiste français n’est pas doué. Ou qu’il est doué d’un singulier manque de chance.
Le jeudi 27 mars, après le premier tour sans surprise des élections municipales, le conseil constitutionnel a estimé que la loi Florange, qui prévoit des pénalités pour les entreprises qui ferment un site rentable, “privait l’entreprise de sa liberté d’entreprendre”. Et la censure. Certes.
Le soir même du premier tour, vers 22h, les intermittents qui occupaient le Carreau du Temple ont été violemment évacués.
Tout pour qu’on ait envie de voter PS.
On dirait que la capacité à agir est nulle, elle l’est peut-être, on finit par se demander. Nulle en tout cas la machine à idées. Cependant qu’en Italie, Renzi, social démocrate comme il est, décrète anachronique le plafond du déficit budgétaire à 3% du PIB et le pacte de stabilité un pacte de stupidité. On dirait qu’il est possible de peser, d’agir, réagir.
Pas en France.
On déplore les voix FN, oui, ça pour déplorer on déplore et ça commence à paraître tordu, cette manière de déplorer, de s’étonner chaque fois après, chaque fois après l’élection. Il semble pourtant que les voix FN ne soient pas plus nombreuses qu’elles ne l’étaient il y a deux ans. Et on oublie de dire que le Front de gauche n’a pas fait un mauvais score. On n’oublie pas, on les rend responsables, les 40% d’abstentionnistes. On déplore les voix et les votes FN, on déplore et on bavarde : front républicain, alliances, drôles d’alliances, etc.
En 2002 j’ai voté Chirac, j’étais convaincue qu’il fallait le faire. Aujourd’hui, je ne saurais plus. Je me reproche ce doute et me demande si ce n’est pas un luxe de nantie ou de très relative demi-nantie de ne pas désirer faire face à tout prix, d’éviter le pire à tout prix. Mais peut-être le pire qu’on a redouté, on voit, dix ans plus tard, qu’il n’avait même pas besoin du FN ?
Je ne sais pas. Après tout, si je vivais à Avignon, je voterais PS. A Béziers, ce serait plus compliqué.
Finalement, le luxe que j’ai, c’est de voter à Bayonne, où il n’ y a pas, ni au premier ni au deuxième tour, de liste FN.
Nous avons nos problèmes pourtant, de désistement et de désinvestiture et de second tour.
Et d’incompréhensions.
Mais ici comme ailleurs, la preuve est faite que le PS, qui avait voie royale, a fait tout de travers. Ce n’est pas un manque singulier de chance mais un manque singulier d’idées, de vision, de stratégie.
A Bayonne, au premier tour, la liste MODEM fait 30%. Le PS, 35. l’UMP 18. Le Front de gauche presque 6. Et la gauche alternative abertzale, définition à venir, un peu moins de 11%.
Si vous avez un doute sur ce que signifie abertzale, le PS à Bayonne a l’air d’avoir le même. Or il ne devrait pas – n’aurait pas dû.
“Rassembler largement, dans une démarche plurielle et participative, des Bayonnaises et des Bayonnais porteurs d’engagements dans les domaines économique, culturel, sportif, syndical et politique, de toutes les sensibilités de la gauche, écologiste ou abertzale”, c’est ce qu’a souhaité la liste menée par Jean-Claude Iriart.
Point commun entre ceux qui ont participé à cette démarche ? “Le positionnement à gauche, la nécessaire reconnaissance institutionnelle du Pays Basque, l’engagement en faveur de la transition énergétique et l’adhésion aux principes de la démocratie participative.” C’est ça, être abertzale.
A propos de la reconnaissance institutionnelle du Pays basque, demandée depuis des décennies, cadre d’autres revendications culturelles et économiques, chambre d’agriculure autonome, abandon de la ligne LGV, création d’emploi par la transition énergétique, relocalisation de l’économie, université de plein exercice, le PS ne se prononce pas. Remarquons qu’il n’est pas le seul : l’UMP non plus. A propos de la langue basque, le PS est bien timide : “chaque fois que cela sera possible, nous ferons en sorte d’utiliser et de promouvoir nos deux langues régionales“. On se demande quand ce sera et ne sera pas possible. Même la candidate UMP prévoit pour 50.000 euros l’an un plan de formation en basque de ses agents.
Le rêve et le programme de se sentir bien au pays, d’accueillir ceux qui souhaitent y vivre, langues et cultures respectées : le PS n’a pas compris. Encore une fois n’a pas compris. Ou bien son mépris est plus grand que son désir. Ou il ne sait pas compter.
C’était lundi après le premier tour. La liste de gauche abertzale a voté le maintien. Surprise, et joie, espérance que oui, les choses bougent : le Front de gauche ne craint pas la perte ou la dispersion ou l’émiettement de la République et rejoint la liste abertzale. Bien sûr, ça va rendre les choses compliquées au deuxième tour pour le PS. Bien sûr, il y a des remous et le lendemain matin le Parti de gauche retire son investiture. Il n’y a pas qu’au PS qu’on ne sait pas ce que c’est, la gauche abertzale.
Mais on explique, et retour en arrière. Le Front de gauche fera au deuxième tour liste commune avec la gauche abertzale, qui pose que le désir de se sentir bien au pays où on vit, dans la langue qui vit, ne met pas en risque la notion d’égalité. Qu’au contraire, on est bien accueillant au pays où on vit bien.
Au pays basque, des hommes et des femmes de gauche l’ont compris.
A Bayonne, où il n’y avait pas de liste FN au premier tour, des hommes et des femmes l’ont compris.
Ce n’est pas au PS.