pas un salaud

Filiale Selex consortium de 26 partenaires industriels, chercheurs, et universitaires. Tu les as publiés dans des revues d’ordre A, notées A, tes articles ? Ta science sociale ou humaine, ses répercussions scientifiques, scien-ti-fi-que-ment utilisables, tu sais ? Tu mesures ? Le triangle de la connaissance : éducation contrôle efficacité ? Non, éducation innovation et ? Systèmes spatiaux d’observation de la terre, équipements maritimes côtiers installés sur les drones, systèmes radars innovants, capteurs passifs. 15 millions d’euros. Des rubis dans l’histoire ? De faux rubis drones ou robots ou radars ? On en a besoin ? Les entreprises privées sont allées aussi loin qu’elles pouvaient. Elles ont déréglementé. 45 heures / semaine et cadeaux aux patrons mais on ne dit plus patrons, on ne dit plus. On ne dit plus : on s’incline et pose pour les couv. Valls 2 Valls 3 et la suite on l’a perdue, de petits bonshommes se succèdent, le roi est nu et frileux. Mourant, prisonnier. Foutu. 2 entreprises privées, mondialement puissantes, crachent sur le roi et sur les gangs et sur les pauvres et sur les chiens. Pendant qu’ici et ici ça se sépare, se tue un peu, s’affame beaucoup, bientôt on n’aveugle plus mais coupe des têtes, 2 décapitations en forêt : trucs globaux et religieux, folie furieuse à la portée de tous, c’est dans l’été que tu entends le pire et le pire c’est qu’on entend de moins en moins, tes potes lisent le dernier journal sur dernière tablette et laissent faire et laissent dire : pour 1 vie des nôtres c’est 1000 des vôtres qu’il vous faut compter ; les nôtres ont par essence et catastrophe un lien spécial à la vie, pour 1 c’est mille, c’est ça l’équilibre : c’est la disproportion ; c’est ça la justice, l’injustice.
Alors quand les mots ont voulu dire l’envers et qu’il ne fallait pas d’humour pour ça ni d’ironie ni besoin de syllogismes ou de syntaxe complexe, « 1 des nôtres c’est 1000 des vôtres », alors quand les mots ont voulu dire l’envers, il y en a qui ont choisi de se taire.
On disait les pieds-nus puis les autonomes puis les séparatistes puis les terroristes.
Les sociétés ? Tu veux parler des sociétés ? Celle de l’ex-Monsieur Pétrole qui a voulu reprendre ses possessions à l’ancienne ? L’amour ou l’usine à la papa, fini, tournés vers l’Est comme on dit, le gaz d’Ukraine et maintenant celui de schiste.
Meccanica fait des avions des jets des drones et armes à vendre au Pakistan à l’Iraq et en douce et à la Syrie de Bachar. 300 millions d’euros avec les séparatistes de là-bas, pas les mêmes, les autres, là-bas sur la carte, 300 millions pour le dictateur-Cela, pour qu’il veuille bien les drones et super technologies de Meccanica, tu crois qu’ils ont besoin de ces petits rubis qu’on trouve sur nos routes, sur le corsage des filles, en fait et partout du côté de chez nous ? Tu crois vraiment ? Mur technologique, ils disent.
C’est l’été et des cohortes de réfugiés se pressent aux frontières, à chacune des frontières, nord, nord, nord. Ficanteri a construit ces vedettes qui sur les côtes avec de longs bâtons repoussent Tchad Niger Algérie vers Tchad Algérie etc. Ficantierri : à chacun ses frontières. Ici, celles des cyborgs et des chiffres sur écrans.
Et toi – qui accumules les chiffres et prévois et utilises les termes qu’il faut, les quantités et les contrôles, tu n’es pas si mal que ça en famille. A ton fils de 15 ans qui pourrait faire un peu de sport plutôt que de bloquer sur Colon Duty : il faut t’affûter un peu. Fais pas ta roumaine à ta fille qui se plaint de sa marque de sous vêtements préférés. Tu perds un peu la tête quand femme et enfants te disent interroger, chez le psy, leur rapport au judaïsme. Et la culpabilité qui les taraude : ils n’osent pas dépenser autant d’argent que tu en gagnes. Tu les encourages. Qu’on se fasse plaisir. Le plaisir immédiat, commente ta femme Barbara, la honte, la fausse honte. Tu la fais taire d’un baiser alors que son raisonnement est super élaboré, tu le sens. Elle a reconstruit un souvenir traumatique chez le psy et elle a besoin d’en parler. Tu trouves ça très compliqué et l’embrasses avant de filer sur la véranda avec vodka et musique dans le casque. Tu vas sortir prétextant un rendez-vous de travail. Tu retrouves, un quart d’heure, une prostituée hongroise, une de celles qu’on tient là pour les clients, ça ne t’arrive pas souvent, et pas longtemps, un quart d’heure, et puis tu n’es pas là pour de bon, pour de bon ça c’est quelque chose à quoi tu crois, pour de bon, avec Barbara. Et les enfants. Tu es poussé par une force que, tu t’en faisais honneur, tu ne refuses pas d’analyser.
Barbara t’aura fichu là-dedans à tout analyser, tu t’épuises.
Elle t’épuise, en fait, peut-être.
Tu es tout sauf un salaud.
C’est l’angoisse, sans doute. Ou la honte. Ce que tu sais sans le dire, parfois ça déborde un peu : ce qui vous fait la vie la plus conne qui soit, c’est ce parfois que tu vois quand tu regardes tes enfants, milliers d’euros sur eux, parler entre eux comme des charretiers. Pute salope bâtard bouffon.
Les pots de vin offerts par Ficantieri à la Ligue tu n’y es pour rien. Tu n’as pas eu l’idée ou juste comme ça. C’est après Sofia, une des prostituées, un moment où tu as un peu basculé, le quart d’heure tu l’as franchi allègrement mais tu aurais oublié s’il n’y avait pas cette réussite au bout, le juteux contrat des vedettes en Méditerranée. Il fallait vraiment pas être sorcier pour y penser. La Ligue du Nord, où les hommes te font les démocraties. Ils disent.

avis du conseil légal

quitter K, Maria S et Vaggelis G, mardi soir, avoir entendu d’eux, qui en souffrent, ceci, qui m’est aussi insupportable : tout le monde s’en moque. Tout le monde s’en moque ou fait comme s’il s’en moquait. Nous qui avons un peu de temps de pensée, quelque disponibilité, nous ne parvenons pas à tout mettre en œuvre pour empêcher les conséquences dramatiques et inhumaines d’un monde volontairement, programmatiquement, coupé en deux
la Grèce, Grèce porte et trou, fossé des migrants qui n’y échappent plus. Grèce -prison
d’abord, il y a ce qu’on a compris jusque-là le “décret Dendias” : eh bien ce n’est pas un décret. Ce n’est pas une loi, ce n’est pas une circulaire et ce n’est pas un décret. C’est un avis, un avis du conseil légal grec, me dit M, et je l’écris. Conseil d’Etat ? C’est ainsi qu’écrira T, au camp de Corinthe, quand il rédigera la lettre adressée aux députés européens : le Conseil d’Etat grec. Un avis, est-ce la raison pour laquelle on ne peut pas faire un recours devant la Cour de Justice de l’Union Européenne ? Il faut lire l’avis, il est fou : il promet  la rétention indéfinie, à durée indéterminée, aux sans papiers, aux migrants dont la présence en ville, dehors, serait une atteinte à l’ordre public. Un danger social. Ils ne possèdent rien, sont pauvres dit l’avis que j’ai pris jusque là pour un décret, l’avis 44/2014, signé Chrysofoula Augerinou et Dimitris Katopodis, les migrants sans papiers doivent être retenus jusqu’à l’expulsion, surtout s’ils ne collaborent pas à leur expulsion
on y est
les pauvres, à perpétuité retenus quand on n’arrive pas à les renvoyer chez eux
le droit, donc, et K explique : il était, dans sa jeunesse, un conservateur puisqu’il croyait à la force du droit quand les copains voulaient la révolution. Aujourd’hui, à l’âge de 50 ans, ce n’est pas qu’il ne croit plus au droit, pas du tout, mais il ne s’agit plus de droit, de philosophie du droit il ne s’agit plus par le droit de protéger, distinguer – ce sont des arguties et des interprétations et des interprétations d’interprétations par chaque cour dont il s’agit, K est un peu découragé, il n’a pas bougé, lui, l’ancien conservateur qui croyait au droit et que le droit déçoit, il n’a pas bougé mais les révolutionnaires ont bougé, ou les gauchistes, c’est par le droit qu’il pensent faire bouger, lentement, lentement, les choses
et par l’art, dit Spiros, par les représentations, pour quitter les phobies. Les phobies, on en a deux, celle d’Al-Qaïda et celle des maladies, tous ces migrants qui viendraient pour te contaminer
il faut avoir d’autre rêves
il y a pire que le camp de Corinthos : il y a les ghettos du nord de la ville que les mafias louent à des familles entières, 40 personnes dans 12 mètres carrés, pour y aller on a dû mettre des masques sur la bouche, dit V
et le commissariat à l’ouest d’Athènes (se demander si c’est l’Odapone, dont parlait T, 15 jours en cachot)
changer Dublin 2, c’est la première chose à faire, même si (K) les pays du Nord ne renvoient pas beaucoup de monde en Grèce, il faut changer Dublin 2, c’est essentiel, ce sera cette peur de moins, la Grèce comme porte et non comme trou ou fosse d’oubli
un avis du conseil légal grec, ce n’est rien, ce n’est rien et pourtant elle est effective, la détention illimitée des étrangers à expulser. Si on ne peut pas faire un recours auprès de la cours de justice européenne, on peut en faire viser la constitutionnalité devant les cours constitutionnelles
à Contomini la cour a décidé qu’on ne pouvait pas décider sur une mesure mais sur la détention. Au cas par cas, donc
certes la rétention illimitée est contre le droit et les sans-papiers doivent être libérés après 18 mois de camp (18 mois puisqu’ils sont des menaces pour l’ordre public, 12 mois quand ils ne mettent rien en œuvre pour collaborer à leur expulsion, et 6 mois normalement  – directive européenne, chapitre IV, paragraphe 5 : “la rétention est maintenue aussi longtemps que les conditions énoncées au paragraphe 1 sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois”) mais la cour de Contomini ne peut juger que de la rétention, pas d’une mesure
et la réponse à la question des avocats grecs sur l’interprétation de l’avis est la suivante : les 18 mois grecs de rétention peuvent être prolongés d’une peine de prison indéterminée de détention (punissant le fait que le migrant enfermé n’a rien fait pour collaborer à son expulsion). La meilleure, c’est que cette détention peut se faire dans le même lieu que le premier temps d’enfermement
on a bien noté la différence : rétention et détention
et on a bien noté que les 18 mois, qui comprenaient déjà prolongation de 6 mois pour non collaboration et prolongation de 6 mois de plus pour menace à l’ordre public, ce temps très long, prévu et encadré n’est plus rien, et on recommence, cette fois sans cadre, cette fois sans terme. On a glissé, ce qui n’était pas un délit, être sans papier, était puni d’un temps de rétention ; le délit, ne pas collaborer à la fin de sa rétention est puni sans fin
tu demandes l’asile, comme T, parfois, pour avoir en tête l’idée d’un terme. Demandeur d’asile, en Grèce, tu es enfermé. Ce qui, dit K, empêche des réfugiés qui y auraient droit, de le demander – la rétention, même limitée, est longue et insupportable
il y a les degrés de l’insupportable
si comme T tu as été arrêté, pour une durée illimitée, sans papier sans demande d’asile, tu préfères devenir alors demandeur d’asile à durée de rétention, longue mais limitée
et encore : à supposer qu’on en soit encore aux 18 mois, le gars fait ses 18 mois de rétention. A Corinthe. Il sort. Dans les heures qui suivent on le rattrape, ça recommence
tu es libéré de Corinthe, le soleil blanc de Corinthe, les 11% Aube dorée de Corinthe, et tu es rattrapé : qu’est ce qu’on fait, là
les juges ne voient pas les retenus, dans le meilleur des cas leurs avocats mais on a trop honte de leur état, maigreur, barbes, saleté, maladies pour les conduire devant le juge
selon les jurisprudence en Grèce tous devraient être libérés, tous (dit K), pas un qui devrait rester en camp
il y a une question qu’évoquent K, Maria, Vaggelis, Effy : l’économie parallèle que crée la politique d’immigration. A Corinthe, au début, les gens râlaient de voir s’installer un centre de rétention sur l’ancien camp militaire. Bientôt, ils y ont trouvé des avantages, c’est finalement beaucoup de boulot : pour les travaux publics, qui réparent et construisent, l’aubaine. Pour les restaurants, comme dit T, Korinthian ou Pietis, c’est l’aubaine. Korinthian et Pietis qui servent des repas qui ne rassasieraient pas des enfants de 3 ans, dit T, sans sel, alors que les fonds européen prévus pour les repas des sans-papiers sont le double du budget prévu en Grèce pour les prisons
M qui travaille comme avocate dans un comité qui étudie le droit d’asile sait que l’Europe verse 2000 euros pour son salaire. Elle en reçoit la moitié
il faut changer les représentations, a dit K. Il y a tout ce qui tourne autour de la maladie, de la phobie des maladies apportées par les pauvres, les migrants. L’ex- ministre de la santé, ministre de l’éducation nationale aujourd’hui, dit Effy, déclarait que les femmes africaines étaient responsables de l’expansion du VIH et autorisait des listes, avec photos, de personnes porteuses du virus
l’école ? Ecoles publiques et collèges, regroupé(e)s. Les parents payent le chauffage. Le gouvernement préfère octroyer à chaque famille une somme afin que les parents envoient leurs enfants dans le privé
après 20 ans de travail, comme indépendante, pour un salaire de 800 euros par mois, je paye 500 pour la sécurité sociale ; sur 765000 personnes en Grèce, plus de 500000 vivent sans sécurité sociale
ceux / celles qui disent : je m’occupe de trois personnes ma mère, ma grande tante, sa sœur
ces policiers que tu vois au coin des rues (main sur la hanche, adossés aux voitures, gardant Alpha Bank ou la place Syntagma ou les alentours d’Exarchia, sirotant cafés frappés, les cagoles, dit M, les play-boy, lunettes de soleil, inactifs et surarmés), ces jeunes policiers gagnent plus qu’un prof : 900 euros par mois
ce jour même où Effy nous parle, à Kolonaki, on apprend que les employeurs qui ont ouvert le feu sur les clandestins bengladais qui ramassaient les fraises à Manolada  n’ont pas été condamnés
les représentations, comme dit K, avocat au conseil grec des réfugiés, il faut les changer rapidement
en 1944 la France libérée faisait tirer ses gendarmes sur les tirailleurs sénégalais, appelés tels, qui osaient réclamer leur solde après 4 ans de guerre, dont 3 en camp de prisonniers dans la France de Vichy. C’était à Thiaroye