Au fil de l'image

Au fil de l’image

Une année. Un thème. Le mouvement.

Des mouvements d’images dans le feuillage à ramasser à la pelle dans le jardin du collège.

Des images à saisir, à raconter, à interroger, à monter et à raccrocher autour de « road movies », autour de soi, vers les autres.

Des mots à soulever.

Des tempêtes de mots et d’images à créer en toute immobilité.

Cette année le mouvement agitera nos esprits et nous tenterons « de peindre le passage ».

Dialogues des morts

L’engagement dans la langue, même dans le travail le plus contemporain, s’enracine dans ses strates profondes. Elles sont assez nombreuses pour chacun y trouve ses affinités, ses ateliers.

Marie Cosnay, outre d’être l’écrivain qu’on connaît, traduit du grec et du latin. C’est là probablement que sa langue prend force, dans ces heures où on se confronte aux vieux rythmes, aux grands mythes.

A preuve qu’ici, il ne s’agit pas de proposer une ou des traductions. Le texte qui s’ancre dans « Les Phéniciennes » d’Euripide a pour titre « Pour du discours manqué ». Le texte qui s’ancre dans « L’Énéide » de Virgine a pour titre « Pour du discours amoureux ». Et le fragment traduit du « Roi Lear » de Shakespeare a pour titre « Pour le discours des fous ».

Alors, en présentant une traduction exigeante, commentée, d’Euripide, Virgile et Shakespeare, Marie Cosnay y inclut sa propre lecture. Ce qu’elle y cherche, ce qu’elle y trouve, et comment cela s’articule ou cogne au présent. Dans Euripide, de prendre une ville et d’y imposr des lois. Dans Virgile, ce récit mère/fils, et ce qui s’y dit de la ville et des rêves. Et dans Shakespeare, l’ombre de la guerre.

Ainsi la littérature semble un instant dévoiler, dans ce travail sur ces racines, les grandes directions et les grands rêves qui lui confèrent son excès pour le présent, nous ouvrent à notre propre écriture.

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Se le procurer :  Sur publie.net

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nomen monstra dedere

Mi-homme mi- bête Chiron était heureux de son élève
De race divine, il se réjouissait de la tâche et de l’honneur.
C’est alors qu’arrive, couverte aux épaules de cheveux rutilants,
La fille du Centaure, qu’autrefois la nymphe Chariclo,
Qui l’enfanta sur les rives du fleuve rapide, appela
Ocyrhoé. Elle ne s’était pas contentée d’apprendre
Les arts du père. Elle chantait les secrets des destins.
Elle reçoit dans l’esprit les fureurs prophétiques,
Et le dieu, qu’elle tenait fermé dans sa poitrine, l’échauffe.
Alors elle aperçoit l’enfant : « sauveur de toute la terre,
Grandis, enfant ! », dit-elle. « A toi les corps
Mortels devront la vie, les âmes ravies, tu auras toi le droit
De les rappeler, une fois tu oseras le faire contre l’indignation des dieux,
Une deuxième fois la foudre de ton grand-père t‘en empêchera,
Et de dieu tu deviendras corps exsangue puis dieu encore
Après que tu auras été corps. Deux fois tu changeras ton destin.
Toi aussi, mon père chéri, maintenant immortel, engendré
Selon la loi pour demeurer dans tous les âges,
Tu voudras pouvoir mourir quand tu seras torturé par le sang
D’un serpent cruel reçu dans ton corps blessé.
D’éternel que tu es les divinités te feront connaître la mort,
La déesse triple dénouera les fils de ta vie. »
Aux destins il restait quelque chose. Elle respire au plus profond
De sa poitrine et des larmes naissantes glissent sur ses joues.
Elle dit : « les destins me préviennent et m’empêchent
D’en dire plus, on me ferme la bouche.
Il ne m’était pas si précieux, mon art, qui serre contre moi
La colère des dieux. Je préférerais ne rien savoir du futur !
Mais déjà on dirait que le visage humain m’est enlevé,
Déjà, j’aime manger de l’herbe, déjà j’ai envie de courir
Dans les vastes champs, je suis changé en cheval, corps de mon père !
Mais pourquoi tout entière ? Mon père a double forme, lui ! »
Elle dit, et la fin de sa plainte
On la comprend mal, les mots sont confus,
Bientôt ce ne sont plus des mots, pas non plus le cri d’un cheval
Mais de quelqu’un qui imite un cheval. Encore un moment et elle pousse
De vrais hennissements et bouge les bras dans les herbes :
Alors ses doigts se rapprochent et ses cinq ongles
Un sabot léger, tout de corne, les relie, et grandissent la tête
Et le cou. L’extrémité de sa longue robe
Devient la queue et comme ses cheveux détachés couvraient le cou,
Ils se jettent en crinière du côté droit. En même temps sont changés
Voix et visage. Le prodige lui donne un nom nouveau.