Peut-être à la fanaison…

The Weeping Meadow

De la prison de Navalcarnero, je reçois ce 5 septembre la lettre que Goio a écrite le samedi 13 août. Il a collé au milieu du papier à lettres rose la photo d’une avalanche de pluie. Je prends conseil de la pluie, surchargée et robuste, a–t-il écrit à côté. Une pluie d’inclinaison. Goio numérote les lettres et les feuillets, il écrit à côté de la date deux feuillets et une coupure. Ou : trois feuillets et une gaze. Deux feuillets et un collage. Il ne demande rien, dit Carmen, que des lunettes à double foyer, du sport, des livres et du papier à lettres. Sur le deuxième feuillet je lis au milieu de la page hommes et femmes fanés et 10.000 kilomètres de fil de fer barbelé et 11500 soldats et 260 chiens et à Berlin encore trente-cinq morceaux sont debout et sur l’autoroute entre Nafaroa et Gipuzkoa, Zugasti (A-15), est un morceau de ce mur de Berlin mais je te parle avec prudence, Marie, je te parle Marie au pied de la lettre, je te parle au pied du mur de la cellule, au pied de quatorze murs et au dessus de toutes les clôtures Mexique Cisjordanie Bostawa Sahara occidental Txipre Uzbekistan Ceuta-Melilla je me souviens de Lhasa de Sela à l’hiver 2010 qui chantait Je n’ai pas de peur à personne et personne n’a de peur à moi et maintenant la Grèce a fait sa première section de 15 kilomètres, 30 mètres de largeur, 7 de profondeur, 120 kilomètres en tout cousus de fil de fer barbelés et détecteurs thermiques.

Hommes et femmes fanées. De grandes tiges de filles usées. 7 septembre 2011, je crois que tu ne connais ni l’usure, ni, fidèle à Lhasa de Sela, la peur, les lettres témoignent de nuits mémorielles et tu déambules, Goio, enfermé à Navalcarnero, dans les rues des pays et dans les rues de Tolosa et tu déambules au Salvador et dans les ruelles de Cervera et tu déambules aujourd’hui le doigt sur la poussière et le béton des murs partout où ils montent, les suivant géographiquement, une autre fois tu déambules par tes montagnes, l’usure tu n’en fais rien ni de près ni de loin mais tu trafiques quelque chose : peut-être caches-tu ton jeu, peut-être à la fanaison t’y entends-tu plus que tu ne dis.