Anniversaire de la Médiathèque de Tarnos

Anniversaire de la Médiathèque du 24/09/2011 au 24/09/2011
1er anniversaire de la Médiathèque « Les Temps Modernes ». Animations culturelles gratuites, ouvertes à tous. Programme : 10h30, dragons de Chine, de Russie et d’ailleurs, trois histoires autour du monde, spectacle pour les 6-10 ans, durée 1h. 12h, présentation de la saison culturelle 2011-2012. 15h30, la compagnie Lagunarte invite Marie Cosnay, “Les Métamorphoses”. 17h30, “balade sans bagage ni raison”, spectacle pour adulte et adolescents, durée 1h20. lestempsmodernes@ville-tarnos.fr
Médiathèque
05 59 64 34 43

http://www.ville-tarnos.fr/tarnos/agenda.asp

Des trains à travers la plaine

Claude Chambard, Marie Cosnay, Jérôme Lafargue, Eric Pessan. Quatre écrivains à la poursuite des sombres enchantements de Bashung.

Un homme achève son voyage onirique en une prairie douce emplie de fétus de soie, un autre retourne vers la maison paternelle aux lierres ployés comme des remords fanés, Samuel attend ses tueurs et arme son fusil de plomb six, une fillette aux écailles de nuit s’enfuit dans une bulle rose, sous le désir des hommes.

Derrière le rideau qui se ferme, là où la lumière ment, le maître tire des riffs bleus, boots plantés telles des amarres en la scène qui tremble.

Ovide

Collection Nobis. Dirigée par Myrto Gondicas et Marie Cosnay.

Une collection de nouvelles traductions de textes de l’antiquité.

Le pari de traductions à lire, aujourd’hui, comme des textes à part entière.

 

 

Pour toi pleurent les oiseaux tristes, Orphée, et la foule des bêtes,

Pour toi les cailloux rudes et les forêts qui ont suivi tes poèmes

Pleurent. Pour toi l’arbre laisse son feuillage,

Tond ses cheveux, prend le deuil. Les fleuves aussi, dit-on,

Grossissent de leurs larmes et les Naïades et les Dryades

Repoussent les voiles sous l’habit noir et lâchent  leurs cheveux.

Les membres gisent un peu partout. Fleuve de l’Hèbre, tu reçois

La tête et la lyre. Et, miracle, pendant qu’elle glisse au milieu du fleuve,

La lyre pleure je ne sais quoi de triste, quoi de triste la langue

Sans vie murmure et les rives répondent je ne sais quoi de triste.

Se le procurer : chez NOUS

nous

 

Vous pouvez me dénationaliser

Le 21 septembre 2010

Voici l’idée que la sociologue Evelyne Perrin nous propose. Une idée d’action qui permet à chacun de cesser de se sentir muet et planté là après cet été affreux où la xénophobie d’état que nous dénonçons depuis quelques années a franchi un nouveau cap. Une idée à laquelle je souscris, une action où je m’engage.

Monsieur Sarkozy, je vous renvoie ma carte d’identité.

En effet, je ne veux plus faire partie de la France que vous nous construisez, faite de haine, de rejet de l’autre, de peur, de division, et de lutte de tous contre tous.

Je n’adhère pas au concept nationaliste et mythique d’identité nationale fixée par l’Etat.

Je n’adhère pas à la politique raciste que vous mettez en œuvre en désignant comme boucs émissaires successivement et de proche en proche des parties de plus en plus larges de la population, une politique qui rappelle les périodes les plus sombres de notre histoire.

Aussi, vous pouvez aussi bien me dénationaliser.

Je redeviendrai un-e citoyen-ne français-e quand la France aura renoué avec les valeurs de la Révolution française de 1789 et de la Résistance, celles qui ont été les siennes dans son histoire, celles pour lesquelles elle est une référence dans le monde.

Un mot de réflexion autour des réactions que peut susciter et a suscitées cette proposition de petite désobéissance civile.

Ne pas avoir de carte d’identité ne constitue pas un délit. N’empêche pas de voyager les voyageurs impénitents munis de passeports. Peut être faite si on n’en a pas et refaite si on l’a perdue – preuve qu’on a bien vécu sans jusque-là.

« Vous pouvez aussi bien me dénationaliser » peut n’avoir pas grand sens ou valeur symbolique – pour la raison qu’on ne se sent pas « nationalisé», qu’on ne se sent pas français mais basque occitan catalan breton ou citoyen du monde. Qu’on peut sentir la grandeur de la Révolution française et de la Résistance tout en pensant au petit Adolphe Thiers et à ses Jules qui offrirent aux habitants de l’Alsace Lorraine de 1871 quelques 300.000 hectares de terres algériennes, tout en pensant aux 90.000 morts de Madagascar, à ceux de Sétif deux ans auparavant et à tout le reste. C’est mon cas. Mais pour l’occasion, je ferais comme si cela pouvait prendre valeur, d’être français, comme si cela pouvait être synonyme d’exigence et de devenir. Je ferais « comme si » parce qu’il ne me suffit pas de voter, d’écrire, de manifester ou de signer. Que le « devenir meilleur » qui m’importe, je cherche à ce qu’il s’inscrive, s’entende dans le réel.

« Vous pouvez me dénationaliser » peut n’avoir pas de sens pour une autre raison. On peut se sentir français et juste, français et non dépendant d’un gouvernement que l’on n’en sent plus digne, lui, en revanche. On peut refuser d’inverser les choses quand on se sent à la fois français et horrifié par la politique française. Dans ce cas-là, que fait-on ?

Je sais que « politique raciste » fait réagir certains. Non, la politique Sarkozy-Besson-Hortefeux n’est pas raciste comme était raciste, c’est-à-dire basée sur la notion de race, les politiques des années 30. On est tous d’accord là-dessus. Sauf que les actes politiques actuels, quels que soient leurs réels objectifs et leurs terreau idéologique, risquent bel et bien de faire grossir le racisme, qui toujours le même, avec ou sans théorie, avec ou sans Gobineau, est capable toujours de resurgir quand on l’a bien excité.

Je sais aussi qu’ici et là on n’aime pas rappeler, en parlant d’aujourd’hui, « les périodes sombres de notre histoire ». Croit-on que la comparaison serve à égaliser comparant et comparé ? Non. Et il est toujours en notre pouvoir (et devoir) de chercher à distinguer, à comprendre les singularités de chaque époque, etc. C’est à faire. En attendant, nous avons une référence et un dégoût commun, un spectre à hauteur de quoi nous mesurons les événements et à propos de quoi nous répétons : nous ne voulons pas. Oh bien sûr nous pourrions en rappeler d’autres, des périodes sombres de notre histoire, des diverses et des variées – hélas. Il se trouve que la dernière en date, dont le XXème siècle s’est fait le témoin catastrophé et dont le XXIème ne se remet pas, c’est celle qui en France a pour nom Vichy. Nos six de Pau, les 4 de Tours ( http://baleiniers.org/), Michel Rocard et Viviane Reding ont trouvé même référence et ont dit même refus.

Clermont-Ferrand

Etrange, étranger, étrangeté : rencontre-lecture
Autour de l’écriture de Marie Cosnay, qui partage le chagrin et le sentiment de néant des étrangers présentés au juge des libertés et de la détention dans la ville frontalière, où elle réside.
Par l’Atelier de Création littéraire contemporaine du SUC et du Département de français de l’Université Blaise Pascal, en partenariat avec l’ATR, RUSF-RESF 63, le CROUS, la Maison des Écrivains.

Etrange, étranger, étrangeté : rencontre-lecture
Autour de l’écriture de Marie Cosnay, qui partage le chagrin et le sentiment de néant des étrangers présentés au juge des libertés et de la détention dans la ville frontalière, où elle réside.
Par l’Atelier de Création littéraire contemporaine du SUC et du Département de français de l’Université Blaise Pascal, en partenariat avec l’ATR, RUSF-RESF 63, le CROUS, la Maison des Écrivains.

Etrange, étranger, étrangeté : rencontre-lecture
Autour de l’écriture de Marie Cosnay, qui partage le chagrin et le sentiment de néant des étrangers présentés au juge des libertés et de la détention dans la ville frontalière, où elle réside.
Par l’Atelier de Création littéraire contemporaine du SUC et du Département de français de l’Université Blaise Pascal, en partenariat avec l’ATR, RUSF-RESF 63, le CROUS, la Maison des Écrivains.

Etrange, étranger, étrangeté : rencontre-lecture
Autour de l’écriture de Marie Cosnay, qui partage le chagrin et le sentiment de néant des étrangers présentés au juge des libertés et de la détention dans la ville frontalière, où elle réside.
Par l’Atelier de Création littéraire contemporaine du SUC et du Département de français de l’Université Blaise Pascal, en partenariat avec l’ATR, RUSF-RESF 63, le CROUS, la Maison des Écrivains.

Etrange, étranger, étrangeté : rencontre-lecture
Autour de l’écriture de Marie Cosnay, qui partage le chagrin et le sentiment de néant des étrangers présentés au juge des libertés et de la détention dans la ville frontalière, où elle réside.
Par l’Atelier de Création littéraire contemporaine du SUC et du Département de français de l’Université Blaise Pascal, en partenariat avec l’ATR, RUSF-RESF 63, le CROUS, la Maison des Écrivains.

Des fantômes

 

Dialogue des morts

On ne pouvait plus sortir des terriers. Je le croyais. Parfois ceux-ci étaient couverts de mousse dont l’odeur rappelait celle de fruits trop mûrs. Pour ma part j’étais enfoncé jusqu’au cou ou presque. Cette idée d’enfoncement est familière, du ventre des terres les têtes seules finiraient par émerger et après les têtes, juste les bouches, juste les voix. Mais je le sais, quand la poitrine frappe contre les parois meubles et grasses des terres c’est aux terres d’avoir des bouches et de les ouvrir. Des vers minuscules, blancs à têtes noires, aéraient la matière. Pas la moindre voix qui vînt des corps enfoncés. Ou alors c’est en dedans que nous parlions.

Quand on cherche le sommeil par une nuit sans lune, fenêtre ouverte, on surprend des crissements de portes inconnues, celles qui ouvrent sur des temples byzantins ou des monastères – si jamais on a la folie des grandeurs. Je voyais un temple aux dimensions réduites, en vestige, aux arcades douces de pierre rose, doucement grenues. Quand on cherche le sommeil quelques voix s’élèvent ou murmurent plus qu’elles ne s’élèvent, d’un ton de basse posent des questions timides comme : puis-je te téléphoner ? T’appeler tout de suite à la rescousse ou au secours ? Ou encore : nous voilà dans une fichue mauvaise passe. Mais jamais la voix du rêveur ne se fait entendre. Ou bien c’est à la fin, quand ce dernier est secoué par des sanglots qui le portent définitivement, une fois pour toutes, hors du sommeil, qui l’écartent de la nuit dont on dit qu’elle est veloutée (tapis ou velours où l’on ne va jamais, qu’encore moins on aurait l’idée de toucher). Les sanglots ne parviennent pas à composer à l’ancien rêveur, éveillé en violence, une voix. L’oreiller est empreint de rigoles salées. La fenêtre est toujours ouverte et les oiseaux qui piaillent le font d’une façon curieusement assourdissante. On ne sait plus de quoi il était question, le temple ou plutôt la porte accueillante du temple byzantin s’est refermée, là-dedans il y avait un malhabile secret, dans les bruits des dehors aussi. Le secret, on préfère l’ignorer ou même, s’il se risque à paraître, rire de lui comme de tout ce qui appartient aux tristes, aux pauvres chronologies, aux épopées, aux narrations refroidies que sont nos temps de sommeil ou de veille.

Chacun de nous était dans sa doline pareillement enfoncé, un peu plus, un peu moins, il y avait des nuances mais je ne pouvais les apercevoir. Aux gémissements je devinais le sexe, le genre et le courage de mes camarades mais à l’heure où nous étions (le ciel s’ouvrait qui est la voûte et le parapluie, la tente, le toit, la conquête, la toile, le mât et même la corde où m’attacher – à cause des rayons filaires et chromatiques qui dégringolent du haut jusqu’au bas, à cause de l’idée du mât, du bateau sans quoi il n’y a ni déplacements ni conquêtes et le ciel tout entier, après tout, je le voyais, je dois bien l’avouer, comme un ramage ou un cocktail de plumes d’oiseau prêt au départ), à l’heure d’aube où nous étions, les gémissements s’étaient épuisés. Ils avaient duré toute la nuit. Ce qu’est la durée d’une nuit insomnieuse, on le sait d’une science approximative : chaque seconde pèse et tinte et après celle-la en voici une nouvelle ; avec son bruit de seconde elle porte l’angoisse en progrès, vive de n’avoir qu’elle-même pour objet. La durée n’a pas de terme, il ne viendra pas le basculement orangé où ça pourrait finir.

Je suis parti, me suis levé, ai pris mon balluchon et mes sandales de marche et ai marché. Finalement, cela était possible de surgir. Je ne voulais plus subir les gémissements de ceux qui résidaient dans la durée. Ils étaient manchots ou démunis de nez de lèvres ou de pieds, des moignons leur servaient de tout, de bol, de pouces préhenseurs, d’imagination. On veut penser à tout ce qui s’envole, d’un trait, dans l’éther ou les cieux et on entend les insupportables gémissements désespérés. En prenant mon balluchon, en nouant mes sandales je souriais ironiquement car je n’étais pas dupe : c’est moi-même et mes propres gémissements que je fuyais, on avait vu ça depuis le début, je me fuyais moi-même, j’échappais à mes propres gémissements, à ceux d’en bas, d’en haut, du côté et des hanches, à ceux de mes doigts de pied si je les possède encore. Les nuits ne sont pas mon fort. Celle-ci était plus obscure que jamais. La mi nuit, la parfaite et menue demi nuit, je m’y trouvais. Sur cette ligne-là de nuit je me trouvai après avoir chevauché (sans cheval, les pieds crus, saignants à force de cheminer sur des terrains inadaptés, des crevasses, des pics rocheux dominant des mers toutes plus écumeuses et remuantes les unes que les autres). Je me trouvai à la mi nuit. Je finis par m’enfoncer. C’était bien la peine d’avoir cheminé. Je trouvai un creux à peu près confortable. Je m’y blottis. C’était une deuxième fois, sans doute la doline était-elle, dans nos parcours et traversées, inévitable. Les gémissements des alentours reprirent leur chœur et leurs habitudes. J’étais pour la deuxième fois enfoui et serré au cœur des terres grasses.

Avec ce qui me restait de mains, je touchai la terre. Je ne me contentai pas de toucher, je respirai. Elle était faite de millions et de millions (ou de billions et de millions de billions) de particules de morts. Faite des particules de tous les morts passés là. En descendant on pouvait espérer passer un cap et voir revoir ou découvrir, dressés et les membres entiers, tendus, les morts anciens, ceux qui s’adressent des reproches, ceux qui tentent de se toucher mais n’attrapent que l’ombre, ceux qui monologuent seuls dans la mort comme ils le firent de leur vivant, ceux enfin devant qui défilent des rouleaux de littérature triste et qui se tiennent le coeur, les yeux attachés aux textes, c’est à parier que les gémissements lus provoquent en eux une douleur proche du dégoût.

Il y a bien des paliers. Je suis au premier, celui des particules, qui ne sent pas très bon mais je fais avec. Parmi les particules des trépassés je rencontre celles d’Emma, les particules d’Emma cherchent à cajoler mon corps bancal (les douleurs surgissaient à l’improviste, ici ou là faisaient des abcès ou des furoncles et c’est ce qu’Emma ou ses milliers de particules disséminées dans la douceur de la terre comme une farine brune, essayait de m’éviter, Emma glissait autour de mes furoncles des bras décomposés et à mes grimaces opposait un sourire détaché et distant, intelligent, celui qu’elle arbora à la fin).

Je descends, c’est l’étage des crânes brûlants. Ils sont fumants, à peine sortis des purifications. Celui-ci, je lui tombe dessus, je lui tombe dessus au sens propre, je trébuche. Je pousse un cri approprié que personne n’entend, pas même moi assourdi par la terre qui rentre en mes oreilles et envahit l’espace du milieu. C’est un beau crâne, il a l’allure fière du héros tombé inopinément, pris en traître alors qu’il avançait. J’ai des questions à poser au crâne fier. Le problème c’est qu’avec l’assourdissement, la fatigue occasionnée par les gémissements répétitifs de mes compatriotes enchâssés dans les dolines je n’ai plus l’esprit à rien, surtout pas aux questions qui sont d’un temps où tout cela avait du sens (on s’appliquait et venaient toute sorte de propos sur la vie et la mort, les choix, les gloires, les affects, l’amour et l’amitié qui est plus que l’amour ou sa pareille exactement). Bref j’avais un peu honte, je m’inclinai devant le crâne tout propre du héros inconnu et poursuivis ma route. Je rencontrai des crânes de vieillards tués criminellement qui s’obstinaient à réclamer vengeance. Irresponsable et nonchalant je mimais la folie, ce qui me réussit plutôt bien. Je me mis à chantonner un air de ma composition, qu’heureusement personne, pas même moi, ne pouvait entendre, cela résonnait fort à l’intérieur, c’était particulièrement juste, pensais-je, ou faux, au choix, je n’avais rien pour en décider, l’incertitude me rendait heureux. Je réalisais quel pouvoir j’avais sur ces vieux crânes qui en étaient encore à des vieux comptes et à de vieilles vengeances, qui en étaient à la loi des hommes, aux manigances des cités. Sur la musique en soi que je réglais sur mes pas, ma volonté, le hasard absolu, je marchais.

Je descendis encore. C’était un troisième palier, celui des champs et des champs de pleurs et des forêts de myrtes. C’est là que je rencontrai Didone, quelle surprise. Je l’appelai Didone pour la séduire. Quelle surprise – si l’on peut dire. Je l’avais attendue et tout en l’espérant je pensais tout bas : il ne faut pas exagérer. Comme toujours est venu l’impossible et paradoxale surprise. Je me faisais des remontrances, quelle audace. Mes souhaits étaient si souvent satisfaits que je craignais une peine d’équilibrage. Pourtant elle était là, Didone, vêtue d’une robe que les siècles avaient usée, une robe élimée, nouée autour du cou d’une agrafe d’or. Je regardais la robe plus qu’elle. Lorsque j’osai lever les yeux sur son visage, ses gros yeux me happèrent, ou plutôt le creux de ses gros yeux m’avala. On se précipitait à l’intérieur, non pas saisi par l’horreur du vide mais en sécurité, comme dans la caverne douce et poilue, soyeuse, d’une gorge maternelle. Quand on était en elle, Didone prononçait trois mots qui signifiaient avec efficace ce qu’on savait jusque là de manière confuse, nulli certa domus. Pour personne il n’y a de maison et je compris dans le silence suivant les trois mots qu’il me fallait encore partir, m’arracher aux terres, terriers, dolines, souvenirs, aux aspects, pour je ne savais quel chemin à venir. Elle me cracha des orbites de ses yeux, alors j’eus le temps de croiser sa fureur. L’étrange lueur tordue qu’elle jeta sur moi, augmentée de son ricanement infernal, me compliqua les choses, jusque là elle s’était montrée amicale, guide choisie entre tous. Je devinai qu’elle montrait avec ce rire et la lueur torve jaillie de ce qui restait de ses yeux, ce regard en coin, le mépris avec quoi elle envisageait à présent, en ce lieu de nulle demeure, les relations d’amour et les relations en général, toutes les relations. Je tombai de haut et fus pris de tristesse à mon tour. Une tristesse qui peuple les endroits d’après les endroits. J’étais abandonnée par la belle Didone que j’avais attendue de pied et cœur fermes.

Plus tard, plus loin, je cherchai à attraper de mes mains le contour d’un vieux corps qui fuyait. Trois fois je tendis les mains. Trois fois le corps surgi face à moi et pour moi, ce corps inconnu à qui je donnais toute mon affection et dont je ne me méfiais pas, me fuit. L’image attrapée échappe à mes mains, semblable à un rêve volant. Je me souvins du regard tordu de Didone, je tentais de ne pas succomber aux trop belles et fortes illusions. Je devais suivre l’oiseau, m’extraire des profondeurs. Pour la deuxième fois je hissai mes épaules hors du trou qui m’abritait. La tête me poussait, un crâne pointu s’acharnait. Il soufflait une petite brise tiède qui avait des senteurs. Je respirai et cela me suffit pendant de longs instants, les instants étaient incalculables, d’ailleurs je n’avais jamais eu l’intention de calculer. Pour la deuxième ou dixième fois j’étais dehors.

Des aubes particulières