A propos de A notre humanité

 

Un mot sur ce projet

Je voulais aller voir aux jours de la semaine sanglante, en mai 1871, à Paris.
Comment, deux mois auparavant, on avait voulu inventer la démocratie.
Apercevoir de quoi l’événement de la Commune était le point de départ.
De quoi il était peut-être la fin.
Pour regarder l’Europe d’aujourd’hui, avec ses crises identitaires, économiques, sociales, politiques, son renouveau xénophobe, j’avais besoin de mise en perspective. 1870, c’est, après le temps des nations, le temps des empires.

La semaine sanglante, on la pense en jours. Mais la Commune marqua les vies dans le temps. Le long temps d’une vie, le temps à cheval entre deux générations.Les ¾ de la classe ouvrière avait disparu à la fin de l’année 1871.

Les écrivains repoussant de toutes leurs forces, à la fin du XIXème siècle, la bourgeoisie qui les guettait, les Flaubert, Georges Sand, Dumas, Gautier, empruntèrent pour désigner l’événement le même vocabulaire et les mêmes images que celles qui étaient véhiculées au même moment par la presse et par la peur bourgeoises. L’art, quand il refuse le monde, pour ne pas se risquer à y fréquenter les marchés, la bourgeoisie et le vulgaire, peut finir par appeler au crime.

Au temps de l’écriture de ce texte, au début de cette année 2011, éclata la révolution dans les pays arabes. Je serai allée du printemps des peuples, 1848, jusqu’en 2011, avec de grands sauts et de grandes ellipses.

La narration est composée de huit parties. Les parties alternent : quand l’une est tournée vers l’Histoire (de 1848 à 2011, par touches et retours, avec au coeur les mois de mars à mai 1871), la suivante développe le parcours romanesque et de plus en plus fantasmagorique de quatre personnages féminins, dont deux, Emmy et Valentina, vécurent la faim pendant le siège de Paris et la Commune. L’une est russe et mystérieuse, Elise Dmitriev, on la vit aux barricades et sa biographie d’après Commune est fictionnelle. La dernière s’appelle Aloysia, est née en 1877 et est une petite personnifications tragique de toutes les victimes passées.

L’intrigue romanesque commence en 1892, au bord du canal de l’Ourcq, un peu plus de vingt ans après la guerre civile. L’intrigue romanesque se termine dans le XXème arrondissement parisien la même année, le même jour, par une scène de cannibalisme. A la page 131, paraît furtivement une deuxième narratrice, double passée de celle qui écrit en 2010-2011, et qui comme la première, mène l’enquête.

L’intrigue historique et l’intrigue romanesque sont mêlées.
Quelques auteurs assoient le texte, l’aident, du début à la fin : E. Vittorini et R. Sender sont les deux romanciers, l’un combattant l’Italie fasciste, l’autre l’Espagne franquiste, qui m’accompagnent.
Ici, les filles se transforment en petites bêtes griffues.
On se demande sans cesse ce qui fait révolution et ce qu’il faut écrire.
On va de la guerre civile à la fantasmagorie.
De l’univers de Courbet, qui déboulonne la colonne Vendôme, à celui de Goya, qui peint les monstres – en remontant le temps.

Résumé :

I
8 août 2010. Gustave Courbet, Genève, 1877. Ramon Sender, Zamora,1936. Vittorini donne dans Les femmes de Messine une définition du fascisme. 15 mai 1871, déclaration dite de la minorité. Prisonniers sous escorte d’ombrelles jusqu’à Satory. Qu’est-ce qu’écrire, comment le faire, dans quelles conditions. Les frères Reclus.

II.
12 août 1892, Emmy, rue de la Grange aux belles, court après Tom, à qui manque une chaussure, avec qui elle a passé la nuit, et qui la fuit. A six ans Emmy a échappé de peu, grâce à sa Tante Aymée, infirmière des soldats du siège et Sirène à ses heures, au poteau d’exécution du jardin du Luxembourg.

III.
12 août 2010. Malon, né en 1841. Flourens, auteur de l’Histoire des races humaines. Mort de Flourens. Le mont Valérien. Les Reclus en Louisiane. 1855 et la prise d’Alger. Répression des troupes de Mokrani. Déportation des communards en Nouvelle Calédonie. Répression des canaques. 31 octobre 1871. Blanqui. Razoua. Louise Michel. Mort de Sapia. Clémenceau.

IV.
12 août 1892. C’est avec désespoir qu’Emmy veut offrir à Tom qui n’est plus là le cahier dans lequel elle a noté les confidences que lui ont faites pendant ses années de prostitution, les bourreaux de la Commune. Du mardi 22 mai au lundi 28 mai 1871. La semaine sanglante, vue du côté des soldats versaillais. La vieillesse de Tante Aymée.

V.
Automne 2010. Lisbonne sur son cheval. Mort de Vermorel. Mort de Delescluze. Mort de Millière. Les cours martiales. Les écrivains et la Commune. Mort tragique de Varlin. Le 18 mars, proclamation de la Commune, fête et projets. La colonne Vendôme. 1848, le printemps des peuples. Les guerres de Crimée, de Sécession, du Paraguay. Le rôle des femmes.

VII.
Fin mai 1871. Valentina en cherchant son fiancé fusillé par les Versaillais rencontre, caché dans un Paris affamé et puant, un mystérieux Indien Guayçur, possible rescapé de la guerre du Paraguay. Ensemble ils passent en Suisse où ils vont accueillir d’autres communards exilés (Brunereau, Arnould, Vuillaume, Chardon, Protot Fesneau, Malon, Arnould, Babick, Josselin, Miot, Valles, Slom, Cluseret, Razoua…). Le Capitaine Guayçur disparaît aussi mystérieusement qu’il est apparu, laissant Valentina folle d’attente…

VIII
12 août 1892. Valentina et Aloysia s’adonnent à une cérémonie magique et rituelle dans l’appartement d’Elise Dmitrieff. On comprend qu’il s’agit d’une tentative de cannibalisme sur la personne d’un jeune homme qu’elles ont épié et tué et à qui manquait une chaussure… On ne retrouvera jamais Elise Dmitrieff. Valentina et Aloysia sont arrêtées. La première est décapitée.

IX
26 février 2011. Les raisons de l’échec de la Commune, par Lissagaray. 26 mars 2011, Syrte aux mains des Insurgés. Sender et la définition du fascisme. Comment on doute, comment on meurt. 17 décembre 2011, Sidi Bouzid. Le mur des fédérés. C’est ainsi que l’on meurt. Les photos de Disrédi. Les vainqueurs de 1871. Les désastres de la guerre. La maison du sourd. Goya.