revenir à vivre

comme si on avait perdu un mot dans les sous-sols, impossible de traverser, le hall retient toute une généalogie, les uns piétinent les autres dans un espace qui ne s’élargit pas sous la pression des corps ; prenant appui sur les genoux et les fesses on cherche l’air en surface cogne au plafond et de corps en corps on est allé jusqu’à ma mort Elle est venue la mort je ne dis pas ça à cause d’un printemps mais après un trop plein de printemps, mon âge ma saison toute une époque, je n’avais qu’une solution, transformons ces corps entassés dans le hall que je dis en lettres que je dis, en histoires et récits Evaporons-nous en récits dirais-je Passons par le trou de la serrure mais personne n’y arrivait

 d’autant plus que le désir de liberté lui-même mourait que je ne savais plus nommer ; restaient les listes de poètes les prénoms  d’accompagnantes les filles sœurs Elise et l’autre celle qui fuit et Noémie Pantxika Marie et Juliette et jusque-là je tenais m’agrippais cherchant l’idée pour survivre, il y avait ce hall rempli de souffles qui m’étouffaient et il semblait, plus que tout autre chose, dégueulasse, mon élan de survivre mais je m’agrippais à la dégueulasserie c’est-à-dire que malgré la mort qui me fonçait dessus je tenais par la bride les prénoms des accompagnantes et les idées qu’elles donnaient et ça pouvait pas être si moche puisqu’elles étaient belles, adamatae (dans un sursaut de mémoire), avaient la grâce ou bien si pourtant c’était dégueulasse j’avais dans l’idée (d’un tout autre coté) une mort parfaite parfaitement déboitée, c’était déjà ça, la perfection. Tout ce qu’on n’imagine pas couler comme humeurs sur un sol de briquettes rouges coulait et collait, parfait. On le voit je résistais grâce aux listes aux prénoms et aux filles (et à l’idée venue ici-même et dans le pire des moments de relire Vie et destin.) Je luttais c’est bien ça ; pas un fichu poète pour m’aider à récupérer le tout, le porter une fois de plus, le tout, à l’hôpital avec des mots du genre : tu vas voir comment ça se passe comment ça passe comment c’est doux et triste mais triste alors d’une façon attachante, de revenir à vivre